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Impressions de Gaza: le témoignage d'une clown militante

 
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Kristo



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MessagePublié le: Mer 20 Mar 2013, 16:20    Sujet du message: Impressions de Gaza: le témoignage d'une clown militante Répondre en citant

Le témoignage de Marie, une clown à Gaza
Jour 4, vendredi 28/12/12

Visite Al-Shifa Hospital de Gaza

On nous attend à l'hôpital Al-Shifa où notre délégation va amener la tonne de médicaments collectée lors des actions en France. Il ne s'agit pas d'une action humanitaire. L'accueil à l'hôpital est grave et je n'ai pas envie de chanter nos slogans. Une équipe de médecins-chirurgiens nous a préparé une conférence de presse. Ce qu'ils nous racontent des conditions de vie et de travail, sur leur équipement, sur les atrocités israéliennes commises envers le peuple palestinien me glace tellement que je me demande si je suis à ma place. Je trouve que tout est glauque, tout sent le sang... et la mort. J'ai une réminiscence d'un cauchemar que j'ai fait adolescente – je me trouve dans les ruines encore fumantes d'un bombardement, les secours autour de moi valsent furieusement, ça crie, ça hurle, pleure ; le plus insoutenable : les regards des enfants agonisants et les chairs éclatées, les sirènes, les néons et les gyrophares, les éclaboussures... Étrange réminiscence n'est-ce pas ?
Je me demande comment c'est possible de maintenir un hôpital en marche quand on sait qu'à Gaza il n'y a que 8 heures d'électricité par jour et que les israéliens peuvent couper le courant quand bon leur semble. Un chirurgien nous raconte comment une coupure est survenue en pleine intervention cardiaque, le temps qu'il a fallu pour relayer sur les groupes électrogènes, les dommages que cela provoque sur les appareils médicaux, sans parler de l'être humain. Le Docteur Omar Tarek me montre une vidéo sur son portable, celle de sa voiture dont le pare-chocs montre les impacts d'une bombe ; il conduisait quand, doublant une moto sur sa droite, une bombe éclate précisément sur le deux-roues, pulvérisant un couple et ses deux enfants. Ce médecin depuis l'année dernière, n'a pas voulu faire réparer sa voiture en hommage aux martyrs, pour dénoncer l'acharnement d'Israël.

Un autre médecin, parti avec les secours sur le site d'un immeuble bombardé, trouve l'un de ses propres enfants dans les décombres.
A la fin de la conférence,nous commençons la visite d'un des bâtiments. Et là "l'autre versant" se dévoile, comme à chaque fois, la tragédie de ce peuple, mais aussi son incommensurable résistance, sa dignité surhumaine, et son humour extraordinaire. Des pauvres superlatifs pour tenter de transmettre ce que j'ai ressenti au contact des Gazaouis.
Dans les couloirs nous frôlons les familles venus visiter leurs proches. Je m'attends au pire. Cependant je vois les regards pudiques qui ne dévient jamais des nôtres ; nos rencontres avec les gens de Gaza prennent appui à partir de ces regards. Jamais je n'ai vu autant d'humanité, elle vous renvoie quelque chose d'héroïque: celle d'un peuple qui défie la monstruosité
Un regard qui révèle des qualités et des ressources exceptionnelles développées dans l'étau d'un ghetto long de 43km -Nord\Sud
Le ghetto le plus densément peuplé au monde
Je décide de suivre leur exemple et commence à esquisser des sourires. Je suis convaincue que cette audace et cette prise de risque alors que je me trouve au coeur d'un lieu où la souffrance est souveraine va ouvrir la porte à la joie de vivre
Si vous souriez à un Palestinien, il vous le renvoie au centuple
Et c'est ce qui se passe
Je passe à l'acte, chargée par leur douceur, contaminée par leur résistance et je chausse mon nez de clown. Pour chasser mes larmes aussi, bien sûr
Nez rouge universel! Les sourires gagnent tout ce qui bouge même les paralysés ! Oui ! Ce n'est pas moi, je vous jure: c'est la magie de ce nez rouge en empathie avec les Gazaouis
On m'invite à entrer dans des chambres, à visiter les enfants. Je n'oublierai jamais leurs visages...Cette mère au chevet de son nourrisson... de ce bébé qui implore sa mère -absente- et qui ne peut s'appuyer que sur ses moignons bandés
Je n'ai pas de mots pour décrire, je ne dispose que d'un réceptacle de visions: des instants de chair cristallisés par une rencontre unique, ceux vécus dans l'urgence. Arriverais-je à décrire le passage des masques anéantis par la solitude de la souffrance lorsqu'ils basculent ? cédant la place à des yeux qui pétillent, à des commissures de lèvres remontées en virgules, à des fossettes puisées dans une soif inextinguible, celle de résister à l'extinction
Une partie de notre délégation est allée remettre 2 distractors au service de chirurgie maxillo-faciale
Des chirurgiens montrent pour témoigner des photos et des vidéos enregistrées sur leurs portables, images que je refuse de voir car je sais bien qu'elles sont insoutenables
Le personnel de ce service invite mes camarades à rencontrer un survivant, miracle de la médecine: un homme qui n'a plus qu'une moitié de visage et dont les orbites recousues exhibent des yeux, des paupières, des sourcils intégralement gommés. Je refuse de me confronter à cela, j'entends les commentaires dans le groupe et continue d'aller à la rencontre des enfants alités
Les enfants m'accueillent avec douceur; à leur chevet je n'ai que la force de les regarder, leur sourire, esquisser une chanson d'Elvis Presley, leur présenter mon Shadock - une paire d'yeux ludiques, accrochée entre mon index et mon majeur- une marionnette qui se révéle d'une force de communication puissante. Nous quittons ce bâtiment pour rejoindre l'extérieur
Je me sens chargée
Dans la cour le nez rouge attire les adolescents, les enfants, les adultes
Mon état de clown grimpe
Il y a des enfants en convalescence, en pyjama, bandés; les femmes ne s'approchent pas. Nombreux sont les hommes, jeunes,moins jeunes, des pères de famille
Je me lâche de plus en plus et glisse vers le contre-pitre. Deux pré -ados ne me quittent plus: nous formons LE trio clownesque de l'hôpital: le clown blanc,l'Auguste,le contre-pitre. Un cercle de plus en plus grand se forme autour de nous: notre PISTE, notre cirque ensoleillé, notre théâtre d'urgence
Je n'ai rien à faire,rien à fournir
Le spectacle se fait tout seul, par empathie entre nous trois et le public. Les rires fusent
Je suis au comble de la joie et je ne sais si je pleure et ris en même temps mais c'est de cet ordre là! Une incroyable sensation de vie circule de mes pieds à la tête
Avant de boucler cette bulle de cirque je donne les 2 seuls nez rouges en mousse que j'avais amenés à mes deux partenaires de jeu
J'ai l'impression de marcher en apesanteur. Tout s'est passé sans phrases ,juste avec des sons ou des mots inventés
Nous allons faire une pause derrière le bâtiment là où se trouve un jardin miniature divisé en deux. De l'autre côté j'aperçois un groupe d'enfants qui s'adonnent à des acrobaties . Ils ont balisé un parcours acrobatique avec des parpaings. Leur agilité et leurs prouesses me coupent le souffle: galipettes en séries, rondades, saltos,grands- écarts, cela montre une pratique du cirque. Comment font-ils
Pas le temps pour des questions
Place à l'émerveillement
Je me relève pour aller à leur rencontre. Ils viennent à moi et,à la vision de mon appareil photo, m'invitent à les regarder
Ils improvisent un gala de cirque à ciel ouvert, entre les bâtiments de Al-Shifa Hospital
Je suis leur public
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